Covid-19 : quand pourra-t-on dire que la pandémie est finie ?
- cardio du viaduc
- Mar 13, 2022
- 4 min read
Par Camille Gaubert le 11.03.2022 à 15h07 Lecture 6 min.
Alors qu'en France les restrictions sanitaires s'allègent considérablement, l'annonce de la fin de la pandémie est attendue. Mais d'après l'Organisation Mondiale de la Santé, dont c'est la responsabilité, une annonce prématurée serait une erreur.

Tous les trois mois, l'OMS se réunit au sujet du Covid-19 pour décider de reconduire ou non le titre de pandémie FANATIC STUDIO / GARY WATERS / SC / FST / SCIENCE PHOTO LIBRARY VIA AFP Alors que la guerre en Ukraine détourne l’attention du Covid-19, la fin de la pandémie n’est toujours pas en vue. C’est à l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) que reviendra la tâche délicate de déclarer la fin officielle de la crise sanitaire, alors que les indicateurs de pays en pays sont disparates et les conséquences d’une annonce prématurée potentiellement lourdes. Une réévaluation tous les trois mois Tous les trois mois depuis deux ans, un comité d’experts de l’Organisation Mondiale de la Santé se réunit pour évaluer si la crise du Covid-19 mérite toujours son statut de pandémie. Si le titre a jusqu’à présent été systématiquement renouvelé, la pression vers un retour à la normale commence à grandir. Ainsi en France, le gouvernement met fin au port du masque obligatoire en intérieur et suspend le pass vaccinal à compter du 14 mars 2022. Nous ne sommes pas les seuls. Le Danemark, les Pays-Bas et la Suisse lèvent eux aussi la plupart de leurs restrictions sanitaires. Pourtant, de l’autre côté du monde, la Nouvelle Zélande, Hong Kong et le Vietnam luttent contre des flambées record. Décider du moment où il faut donner le feu vert n'est "pas une tâche enviable", affirme auprès de Science Yonatan Grad, épidémiologiste spécialisé dans les maladies infectieuses à l'école de santé publique T.H. Chan de Harvard (HSPH). "Est-ce qu'on dit que c'est terminé alors qu'il peut encore y avoir une vague dans une partie du monde, même si c'est une petite partie ?". La pandémie de Covid-19 “a causé de telles difficultés et de tels défis économiques que l'on serait tenté de la déclarer terminée plus tôt que prévu", appréhende auprès de Science Salim Abdool Karim, épidémiologiste et scientifique en chef du gouvernement sud-africain pour le Covid-19. Pour comprendre ces inquiétudes, revenons deux ans en arrière. La naissance de la pandémie Nous sommes fin janvier 2020, soit plus de deux mois avant que l’OMS ne qualifie officiellement la crise sanitaire de “pandémie”. Le 30 janvier 2020, le “nouveau corovirus”, comme il était appelé à l’époque, a contaminé 7.834 personnes, presque toutes en Chine. Mais 98 d’entre elles sont en Allemagne, aux Etats-Unis, au Japon et au Vietnam, c’est-à-dire éparpillées sur les différents continents. C'est suffisant pour le directeur général de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, qui “déclare une urgence de santé publique de portée internationale concernant l'épidémie mondiale de nouveau coronavirus”. En anglais, cette urgence de santé publique se nomme PHEIC, et ne peut être activée que si l’événement de santé publique est "grave, soudain, inhabituel ou inattendu", susceptible de se propager au niveau international et d'exiger une action internationale immédiate. Car le PHEIC sous-tend un plan de bataille très réglementé. Sa déclaration officielle par l'OMS oblige en effet légalement les 196 pays signataires à suivre les recommandations de l’organisation, explique le site Science. Il prévoit également des accords avec les laboratoires, tenus de rendre les traitements abordables. Ainsi, jusqu’à la levée du PHEIC, Moderna ou Pfizer doivent par exemple laisser d’autres sociétés produire des produits identiques à moindre coût, malgré leurs brevets. Il est facile de comprendre que les pays les plus démunis auraient beaucoup à perdre si la levée de l’urgence sanitaire était prématurée. Les grands efforts de coopération "qui ont été mis en place pour rendre les diagnostics, les vaccins (abordables et les distribuer dans le monde entier), tout cela va tomber. Or, ce sont les mécanismes dont les pays pauvres ont besoin", explique Salim Abdool Karim. "Se tromper aurait un coût élevé". Omicron, la clé entre pandémique et endémique ? “Personne ne sait exactement quand nous serons au bout du tunnel mais nous y arriverons”, affirme Marco Cavaleri, chef de la stratégie vaccinale de l’EMA, cité par Le Parisien. "Avec l’augmentation de l’immunité dans la population - et avec Omicron, il y aura beaucoup d’immunité naturelle en plus de la vaccination - nous avancerons rapidement vers un scénario qui sera plus proche de l’endémicité", a ajouté le responsable lors d’une conférence de presse. L’endémie, c’est une infection sévissant de façon permanente dans une région du monde donnée, un peu comme notre grippe hivernale. "Le virus ne sera jamais complètement éradiqué parce qu'il s'agit d'un virus respiratoire qui se propage efficacement et qui a un hôte animal", explique au Poynter Institute le Dr Amesh Adalja, chercheur principal au Johns Hopkins Center for Health Security. "Il ne répond pas à la définition d'une maladie infectieuse éradicable". En l’état, le variant Omicron pourrait ainsi servir la transition de la pandémie vers l’endémie. Endémique n’est pas inoffensif Attention cependant, car si la future annonce de la fin de la pandémie sonnera comme une bonne nouvelle, l’endémie ne doit pas être sous-estimée. Qualifier un virus d'"endémique" ne signifie pas qu'il est "inoffensif", souligne en effet William Hanage, épidémiologiste à l'école de santé publique T.H. Chan de Harvard auprès de la Harvard Gazette. Même endémique, le virus pourra encore tuer, comme le font d’autres maladies endémiques telles que la tuberculose et le paludisme, ajoute-t-il. Cela étant dit, entre la vaccination et les contaminations, la population est de mieux en mieux immunisée contre le virus du Covid-19. De plus, l’usage maintenant familier du masque, de la distanciation et de l’hygiène des mains, ajoutés au nouveau traitement des laboratoires Pfizer et Merck, nous placent dans une situation bien différente de 2020. "Je ne pense pas que nous soyons encore sortis de l'auberge. Mais je pense que les choses vont s'améliorer", anticipe auprès de la Harvard Gazette Jacob Lemieux, professeur associé à la Harvard Medical School. "Mais nous allons devoir surveiller de très près l'évolution de ce virus." Finalement et de façon très pragmatique, pour pouvoir lever l’urgence PHEIC, le comité de l’OMS prendra en compte des paramètres tels que les vaccinations et le nombre de cas. Mais les critères sont plus sociaux et politiques que scientifiques, selon Caroline Buckee, épidémiologiste spécialisée dans les maladies infectieuses à la Harvard School of Public Health, auprès de Science. "Il n'y aura pas de seuil scientifique. Il y aura un consensus basé sur l'opinion", dit-elle.
Kommentare