Coronavirus : l'espoir d'un vaccin universel
- cardio du viaduc
- Jul 14, 2021
- 7 min read
Coronavirus : l'espoir d'un vaccin universel
Par Mathias Germain le 14.07.2021 à 08h00 Lecture 9 min.
Après la pandémie de Covid-19, d'autres coronavirus déjà présents chez de nombreux animaux menacent l'humain. Pour s'en prémunir, des scientifiques européens et américains développent déjà des vaccins susceptibles de déclencher une plus large protection immunitaire.

Les vaccins actuels ciblent la protéine Spike (en rouge) du SARS-CoV-2 qui permet la pénétration cellulaire du virus.
SHUTTERSTOCK
Cet article est issu du magazine Sciences et Avenir - La Recherche n°893 daté juillet et août 2021.
Souvenons-nous l'été dernier : on attendait de savoir si les scientifiques allaient réussir à mettre au point un vaccin contre le virus SARS-CoV-2. Depuis, après quelques mois d'intenses activités de recherche - se fondant sur des années de travaux fondamentaux - et d'essais cliniques, ce ne sont pas moins de quatre vaccins qui ont été autorisés par l'Agence européenne du médicament, avec des taux de protection exceptionnels. Un record ! Cette réussite sans précédent a donné des ailes à certains chercheurs et laboratoires : leur rêve, concevoir un vaccin "universel", susceptible d'immuniser l'organisme contre tous les coronavirus et notamment ceux qui n'ont pas encore infecté l'humain. Car si l'on sait que sept coronavirus circulent parmi notre espèce, ils font en réalité partie d'une très grande famille présente chez de nombreux animaux. Depuis lesquelles une nouvelle émergence ne manquera pas de se produire. D'ailleurs, des biologistes américains ont récemment rapporté, dans la revue Clinical Infectious Diseases, la présence d'un coronavirus, fruit d'une recombinaison entre des coronavirus canin et porcin, chez sept enfants et une adulte en Malaisie.
Un vaccin expérimental contre les SARS-CoV-1 et 2
"Ces initiatives sur les vaccins sont intéressantes, souligne Astrid Vabret, virologue au CHU de Caen. Elles illustrent enfin une prise de conscience générale : les coronavirus représentent une menace sérieuse, ils ont un haut potentiel d'émergence dans la population humaine. Face aux prochains virus, on ne pourra pas gagner la bataille sans un minimum de préparation. Il est nécessaire de profiter de la mobilisation générale due à cette pandémie pour anticiper la suite." En mai, l'équipe de l'immunologiste américain Barton Haynes, de l'université Duke, en collaboration avec le virologue Ralph Baric, de l'université de Caroline du Nord, a publié, dans la revue Nature , les résultats d'une expérimentation d'un vaccin chez des macaques, qui immunise contre le SARS-CoV-2, ses variants anglais, brésilien et sud-africain, mais aussi le SARS-CoV-1 (responsable de l'épidémie de 2003), et également contre deux coronavirus présents chez les chauves-souris. Comme les vaccins utilisés aujourd'hui, leur produit contient un morceau de la protéine Spike du SARS-CoV-2, plus précisément la partie RBD (receptor-binding domain) qui se lie à nos cellules par le récepteur ACE2. La nouveauté réside dans l'emballage de ce morceau de protéine virale qui favorise le déclenchement de la réponse immunitaire, et semble offrir aux animaux vaccinés une protection plus large. Forts de ce résultat, les chercheurs suggèrent que leur vaccin pourrait être un vaccin "pancoronavirus", c'est-à-dire qui permettrait de lutter contre tous les coronavirus.
"Si le résultat semble prometteur, la dénomination “pancoronavirus” est exagérée, juge Astrid Vabret. Leur vaccin n'immunise pas contre tous les coronavirus qu'on trouve chez l'humain. Par exemple, il ne fonctionnera pas contre le MERS-CoV responsable d'infections graves au Moyen-Orient en 2012 car celui-ci ne se lie pas à ACE2 et possède une région RBD différente. Il nepourra pas non plus aider contre le coronavirus HKU1 [responsable de rhumes] , qui infecte les voies aériennes supérieures, car il se fixe sur nos cellules par un autre récepteur. Dans l'idéal, un vaccin “pancoronavirus” doit nous protéger contre toutes les familles de coronavirus." Ces familles sont au nombre de quatre, baptisées alpha, bêta, gamma et delta - sans rapport avec les nouvelles appellations grecques des variants du SARS-CoV-2. Les coronavirus gamma et delta, principalement trouvés chez les oiseaux et les porcs (voir l'infographie ci-dessous), ne sont pas connus pour infecter les humains, de sorte que les développeurs de vaccins leur ont prêté peu d'attention. Il y a plus d'intérêt pour les coronavirus alpha parce que deux provoquent des rhumes chez les humains (le HCov-229E et le HCoV-NL63). Mais ce sont les bêta qui attirent le plus d'efforts, en particulier les sarbécovirus : ce sous-ensemble comprend le SARS-CoV-2 et le SARS-CoV.
Les quatre familles de coronavirus

Crédits : Burno Bourgeois Combiner plusieurs morceaux de protéine Spike Comment mettre au point un vaccin capable de protéger contre plusieurs familles de coronavirus ? Les chercheurs s'inspirent de ce qui a déjà été fait pour des vaccins contre des maladies allant de la polio au papillomavirus humain (voir Sciences et Avenir n° 892, juin 2021). Pour augmenter l'étendue de la protection, ils contiennent la combi-naison de composants provenant de multiples formes de l'agent pathogène : par exemple le vaccin contre la maladie pneumococ-cique contient 23 formes d'une molécule virale. Sur ce modèle, la biologiste américaine Pamela Bjorkman, du California Institute of Technology, a évalué des vaccins candidats chez la souris. Pour réaliser leur vaccin « pancoronavirus », son équipe a choisi de combiner plusieurs morceaux de protéines Spike (essentiellement la partie inférieure correspondant au RBD car elle semble moins sujette aux mutations) de différents virus : le SARS-CoV et le SARS-CoV-2, un coronavirus isolé d'un pangolin, et cinq autres de chauve-souris. Cette combinaison a été injectée à des souris. Résultat : l'équipe a rapporté dans la revue Science en février que les anticorps prélevés sur les souris neutralisent l'infection d'un large éventail de sarbécovirus, y compris ceux qui n'étaient pas utilisés pour fabriquer le vaccin. D'autres groupes de recherche ont choisi une stratégie différente en utilisant d'autres régions des protéines Spike. Plutôt que de s'intéresser à la partie haute, ils se concentrent sur sa tige. C'est le cas de l'équipe de Jason McLel-lan, biologiste à l'université du Texas (États-Unis) qui a développé un vaccin à partir d'un morceau de la tige, la protéine S2, du virus MERS. Les expérimentations chez la souris ont montré que les anticorps produits par le vaccin se lient également au SARS-CoV et au SARS-CoV-2. Un autre composant plus interne des coronavirus est également utilisé comme cible : la protéine N, ou nucléocapside, qui protège le génome du virus et qui semble très conservée entre différentes familles de coronavirus. Cette stratégie a été choisie par le laboratoire lyonnais Osi-vax, qui travaillait jusqu'ici sur un vaccin universel contre la grippe. "La nucléocapside est conservée à plus de 89 % entre le SARS-CoV-1 apparu en 2003 et le SARS-CoV-2 actuel", explique Alexandre Le Vert, le fondateur du laboratoire. Problème, cet antigène se situe à l'intérieur du virus et n'est pas visible par les anticorps comme les protéines de la spike, situées elles à la surface du virus. "C'est pourquoi, l'efficacité de ce type de vaccin ne repose que sur la réponse des cellules immunitaires, les lymphocytes T. Nos essais chez la souris montrent néanmoins une bonne efficacité et nous espérons réaliser un premier essai clinique à la fin de l'année." "Plutôt que choisir entre des protéines virales internes ou externes, d'autres laboratoires combinent les deux", indique Marie-Paule Kieny, virologue, présidente du Comité Vaccin Covid-19 en France. C'est le cas d'une autre société française, Ose Immuno Therapeutics. Son produit baptisé CoVepiT 1 combine 11 protéines virales comme des morceaux de la Spike, de la nucléocapside et d'autres protéines virales non structurantes. Ces éléments ont été sélectionnés après l'étude de plus de 67 000 génomes de SARS-CoV-2 dans le monde ainsi que d'autres coronavirus humains. Après des résultats encourageants chez l'animal, l'entreprise a annoncé le tout premier essai chez l'humain de ce candidat vaccin en mai. L'alternative des traitements antiviraux La recherche de traitements pour lutter contre l'infection du SARS-CoV-2 a pris du retard sur les vaccins. Néanmoins, quelques résultats encourageants ont été publiés au printemps. Un premier essai clinique de phase 2, présenté à la Conférence internationale sur les rétrovirus et les infections opportunistes, montre que l'infection par le SARS-CoV-2 a été éliminée en cinq jours chez 47 patients avec un nouvel antiviral, pris sous forme de comprimé par voie orale, appelé molnupiravir. Un quart des patients traités avec un placebo avaient encore une charge virale importante. "C'est une piste intéressante , confirme Bruno Canard, spécialiste des coronavirus au CNRS. Le molnupiravir agit lors de la réplication de l'ARN viral. Il s'insère dans l'ARN viral en cours de synthèse et rend son code illisible." Ces résultats doivent être confirmés par des essais cliniques plus larges que va mener le laboratoire américain Merck. Une autre molécule, qui bloque également la réplication de l'ARN viral, est aussi en cours d'essai. L'AT-527, mis au point par le laboratoire américain Atea Pharmaceuticals, fait l'objet de deux essais cliniques de phase 2 soutenus par le laboratoire pharmaceutique suisse Roche. Les résultats devraient être connus dans les semaines à venir. Si les prochains essais cliniques confirment l'innocuité et l'efficacité à plus large échelle de ces produits, une nouvelle arme pour se débarrasser des infections du SARS-CoV-2 et d'autres coronavirus qui ont le même mode de réplication pourrait être disponible avant la fin de l'année. Tester l'efficacité contre un virus qui n'existe pas encore Mais comment prouver que ces futurs vaccins protégeront contre un hypothétique SARS-CoV-3 ? "Il faut disposer en laboratoire d'un bon panel de virus issus du monde animal pour commencer à tester ces vaccins en laboratoire, évoque Marie-Paule Kieny. On peut ainsi démontrer qu'on arrive à les neutraliser in vitro sur des cultures de cellules. On peut également accélérer les processus d'évolution virale, ou construire des virus chimériques en leur ajoutant de nouvelles fonctionnalités, puis tester sur eux l'efficacité de vaccins. Mais cela doit se faire dans des laboratoires de biosécurité de niveau 3 et dans la plus grande transparence." Des expériences qui suscitent des controverses dans la communauté scientifique et au sein de la société depuis la publication d'expériences de virus grippaux afin de les rendre transmissibles à l'humain en 2012. D'autant qu'il est possible que ce soit au cours de telles expériences que le SARS-Cov-2 ait été obtenu dans un laboratoire de Wuhan, en Chine. Autrement dit, se protéger de risques futurs, comporte un risque de les rendre présents… COVID-19 CORONAVIRUS VACCIN CONTRE LE COVID VACCIN
Comments